Odyssée psychologique #2 : Une nuit agitée

Ce jour là je suis allée dans sa chambre pour la rencontrer et me présenter.
Le médecin me l’avait décrite comme « une dame en fin de vie parfaitement au clair avec la situation et prête à partir ».
Peut-on être un jour réellement et totalement prêt à partir ? 
Je me pose encore souvent la question…

En cette fin de fraiche matinée, je la découvre redressée dans son lit, joliment coiffée, digne.
L’équipe soignante avait terminée la toilette une heure plus tôt, son savon à l’amende parfumait encore sa chambre.
A ses côtés, son fils était assis là, sur une chaise, calme et attentif.

Son accueil à mon égard a été très chaleureux, elle savait que nous nous rencontrerions aujourd’hui, et m’invite à m’assoir au bout de son lit, en face de son fils.
Je m’installe, nous nous sourions silencieusement.

Spontanément elle me raconte son arrivée dans le service, ses inquiétudes à chambouler ses habitudes, sa pudeur à montrer sa nudité à « des inconnues », sa gène à mobiliser toutes ces personnes autour d’elle, et finalement sa réassurance à être en ce lieu sécurisant.

Le regard posé sur elle, son fils l’écoute attentivement, je peux palper l’amour et la tendresse qui émane de tout son être à l’égard de sa mère, je peux aussi palper la souffrance de l’imminence de son départ qui le tourmente. 
De grosses larmes silencieuses coulent sur ses joues, il les laissent aller jusqu’à ce qu’elles s’écrasent sur son tee-shirt. 
Sa respiration est lente, ample et régulière, les épaules légèrement courbées vers l’avant, et son visage parait à la fois grave et doux.

Elle nous raconte ensuite, encore émue, la très violente crise d’angoisse qu’elle a fait la nuit dernière.
Elle nous raconte sa panique.
Et ne sachant comment s’apaiser, elle s’était finalement résignée à appeler l’infirmière de nuit.

Dans les moindres détails, elle nous partage l’échange nocturne apaisant et salvateur qu’elles ont eu ensemble entre 3 heures et 4 heures du matin. 
Ma collègue a ensuite consacré du temps à lui masser le dos, massage réconfortant qui l’a replongée paisiblement et durablement dans le sommeil.

Il n’y a que gratitude infinie et étincelles pétillantes dans les yeux de cette dame. 
C’est contagieux, grandissant, exponentiel.
Je ressens aussi cette profonde gratitude à l’intérieur de moi, et je crois que son fils aussi, un large sourire a remplacé ses larmes.
Nous restons silencieux, présents les uns aux autres, dans ce flow paisible et léger. 

En cet instant précis, aucun mot ne peut rivaliser avec ce qui est en train de se vivre.
Nous restons là encore une minute ou deux, peut être trois, je ne sais même pas à vrai dire, car j’ai l’impression que le temps s’est suspendu depuis que je suis rentrée dans la chambre. 

Et puis ça toque timidement à la porte, c’est l’heure du repas.
Je me retire, nous nous reverrons demain. 

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1 réflexion au sujet de « Odyssée psychologique #2 : Une nuit agitée »

  1. Cet article est comme… un tableau, une scène de film, une photographie. On y ressent toute l’émotion et l’authenticité de l’instant. Merci…

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