Quels sont les effets du voyage sur le cerveau, sur nos comportements et notre personnalité ?

Qu’il soit thérapeutique, initiatique, ou tout simplement touristique, le voyage transforme et laisse une empreinte particulière à (la) vie… mais aussi dans le cerveau, notre manière de voir et de vivre le Monde, dans nos comportements et notre personnalité. 
C’est ce que nous allons découvrir dans cet article, études scientifiques à l’appui !

J’ai d’abord hésité à publier ce texte en ce contexte de « co-vide » où voyager n’a jamais été aussi compliqué, incertain et confrontant.
Et puis j’ai réalisé l’importance de continuer à rêver, planifier, vivre l’aventure. 
Même différemment, même autrement, même simplement, rien ne nous empêche de vivre pleinement, rien.
Alors le voilà… 

« Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait ».
Nicolas Bouvier

 

L’expérience du voyage rend plus heureux 

voyager au Nicaragua

Les psychologues Leaf Van Boven de l’Université du Colorado à Boulder et Thomas Gilovich de l’Université de Cornell à Ithaca font partie des premiers scientifiques à avoir comparer empiriquement l’avoir et l’être. 

En 2003, ils demandent à des participants de relater un vécu d’achat, soit d’expérience (évènement, concert, voyage, restaurant, …) soit d’objet. 
Leur étude démontre que les participants qui se souviennent avoir acheter des expériences estiment avoir fait un bon investissement à posteriori, et le souvenir de ce moment a même eu la faculté de les rendre plus heureux ! 
En revanche, ceux ayant acheté un objet, n’expriment pas le même enthousiasme. 

Cela s’explique par le fait que, même si faire l’acquisition d’un nouvel objet rend heureux, l’excitation ne dure pas car nous finissons par nous habituer à cette nouveauté. 
Avec les biens matériels, c’est bien l’adaptation au changement qui entache le bonheur ressenti à long terme. 
Il s’agit là de l’habituation 
hédonique. 

Pour les chercheurs, ce sont donc les expériences, même éphémères, qui nous procurent un plus grand sentiment de bonheur. 

Dans une autre étude, ils demandent aux participants de décrire un achat d’objet et un achat d’expérience, puis de les comparer. 
Très majoritairement, les personnes interrogées déclarent l’expérience plus satisfaisante que l’objet. 
La raison est aussi due au fait que nos souvenirs peuvent être réinterprétés à postériori sous un angle positif. 
En allant puiser dans notre passé, nous modifions notre perception des ces instants, les percevant sous un meilleur jour qu’ils n’étaient réellement. 

Donc ce qu’il reste, c’est bien la perception du bonheur ! 🙂

 Le grand air et la nature améliorent l’humeur et l’anxiété, et apporte une meilleure stabilité émotionnelle

Une ancienne étude de 1984, démontre que les patients hospitalisés dont la chambre donne directement sur un espace vert guérissent plus vite. Selon l’auteur, Roger Ulrich, ils souffrent moins de nausées et prennent moins d’analgésiques.

Sans me lancer dans un plaidoyer pour la sylvothérapie, il reste alors indéniable que notre présence dans un milieu naturel et végétal est source de mieux-être. 
D’abord, le contact direct avec la nature et les arbres abaisse le taux de cortisol (une des principales hormones du stress) contenu dans notre sang, ensuite, cela a un effet bénéfique sur notre immunité et le ralentissement du vieillissement cellulaire.  

Kumar, quand à lui, a démontré dans une étude de 2014, que le simple fait de préparer ses vacances crée une amélioration notable de l’humeur. 
Il observe chez les personnes anticipant une réservation pour un séjour ou un spectacle, un degré d’excitation et d’impatience supérieur à celles qui anticipent l’achat d’un objet de même prix. 
Et tout ceci, aussi simple que cela puisse paraitre, a la faculté de générer des émotions positives  chez ces personnes et d’augmenter leur bien-être !

Alors je ne peux que t’encourager à planifier des expériences, et planifier encore. 
Et si c’est dans un coin de nature c’est encore mieux ! 🙂

Vivre de nouvelles expériences augmente notre capital sympathie 

En 2011, Leaf Van Boven, Thomas Gilovich et Margaret Campbell (psychologue et chercheuse à l’Université du Colorado), démontrent au cours de 2 études que le matérialisme n’est pas ce qui séduit le plus, et n’est pas non plus au centre des valeurs individuelles. 

Dans la première étude, ils demandent aux participants avec qui ils préfèreraient être amis entre une personne (nommée Mark dans l’étude) choisissant un travail prestigieux et au salaire confortable, et une personne (nommée Craig) qui renonce au prestige, privilégiant plutôt un travail dans un environnement chaleureux avec des collègues agréables.
La quasi majorité des interrogés apprécie davantage Craig et préfèrent devenir son ami.
Etonné ? Moi pas vraiment…

Dans la seconde étude, les participant doivent converser durant 15 min à propos d’un achat dont la nature varie selon les versions de l’expérience : parler d’un objet ou d’une expérience.
Puis chaque personne doit dire à l’expérimentateur ce qu’il a pensé de son binôme.
Sans surprise, l’avis est nettement plus positif lorsque l’interlocuteur discute de ses vacances à la mer plutôt que de son nouveau maillot de bain. 

Et oui, nous aimons les gens qui racontent des histoires et parlent de vécu, et non de choses.

Parler une autre langue augmente notre audace 

bapteme de plongée
Et ce que tu ne sais pas... c'est que j'ai peur de l'eau, dès que je n'ai plus pieds, j'ai tellement peur !

Dans son livre « Power Patate », Florence Servan-Schreiber nous explique que le fait de parler une autre langue que sa langue maternelle nous pousse plus loin qu’à nos habitudes et nous donne du courage. 

Elle l’illustre par une étude où les participants sont amenés à parier de l’argent dans leur langue maternelle ou non. Les résultats montrent que ceux qui s’expriment dans leur langue maternelle sont plus frileux que les autres.
Pourquoi ?
Parce que lorsque nous nous exprimons dans notre langue maternelle, nous disposons d’un vocabulaire beaucoup plus riche qui nous incite à débattre avec nous même dans moult détails des dangers encourus.
Dans une autre langue, ça n’est en général pas le cas.
Avec moins de mots, nous accédons à moins de nuances dans nos émotions et nos perceptions. Ainsi, le débat va plus vite et se limite, nous rendant de fait plus audacieux. 
Notre cerveau se libère de ses réflexes limitants grâce à la restriction de vocabulaire. 

Elle explique également que ce processus inconscient nous ouvre des horizons et nous pousse en voyage vers beaucoup plus d’extraordinaire et de rencontres. 
Ainsi, nous émettons moins de réserves aux propositions qui surgissent et utilisons notre énergie à nous lancer plutôt qu’à nous freiner. 

Pour elle, parler de soi, de ses projets et de ses aspirations les plus profondes dans une autre langue, est bien un booster d’audace !

« Voyager est une nourriture créative, sociale, spirituelle et littérale ».
Florence Servan-Schreiber

 

Voyager nous rend plus créatif 

Créer, oser, oser créer, n’est-ce pas être aussi un peu audacieux ?

Être plus audacieux (comme nous venons de le voir) est-ce être plus créatif ?! 
En tout cas il semblerait bien qu’il y ait corrélation entre les deux…

Une étude réalisée il y a plus de 10 ans, a démontré que plus les ressortissants d’un pays effectuaient de voyages d’affaires, plus ce pays déposait de brevet. 
10% de voyageurs d’affaires en plus augmentent l’innovation globale d’un pays de 1%. 

« Grand espace, grandes possibilités ».
Florence Servan Schreiber

Au delà de l’audace, notre environnement direct est responsable de notre créativité. 
Par exemple, un environnement bleu est déclencheur d’idées car nous l’associons inconsciemment à la mer, au ciel et à l’horizon. 
Cette sensation stimule la production d’onde alpha qui libère notre imagination. 

Un espace « naturel » joue également un rôle important, c’est ce que révèle une étude japonaise sur la créativité au travail.
En effet, la présence de fleurs et de plantes dans un bureau permettent à ses occupants masculins de trouver 15% d’idées supplémentaire et à ses occupants féminins de faire preuve de plus de souplesse face aux problème à résoudre ! 

Les enfants quant à eux, inventent des jeux plus sophistiqués s’ils sont entourés de plantes et de nature.

Amazonie

Voyager augmente notre capacité à résoudre des problèmes 

Être plus audacieux, créatif et ouvert accompagne-t-il le fait de mieux résoudre des problèmes ?

Avoir vécu à l’étranger est déjà un facteur de créativité augmentée. 
Alors le simple souvenir d’une situation où nous avons été obligés de nous adapter pendant le séjour nous rend plus aptes à résoudre des problèmes autrement, et nous permet de trouver plus de lien sous-jacents entre deux éléments : c’est une source à nos idées !

Nous venons aussi de le voir un peu plus haut, un environnement doté de nature permet une augmentation de la flexibilité psychologique face aux problèmes à résoudre chez les participantes de l’étude japonaise. 

L’étude de 2009 de Maddux et Galinski, quand à elle, démontre chez des étudiants allemands que ceux qui voyagent sont 20% plus aptes à résoudre des tâches faites à l’ordinateur que les autres. 
De plus, ceux qui ont déjà vécu à l’étranger sont meilleurs pour proposer de multiples solutions à un même problème, ainsi que pour « think outside the box » (penser autrement). 

Un nouvel environnement (stimulant) peut renforcer et accélérer la production de nouveaux neurones dans le cerveau

Et oui, explorer activement son environnement et accumuler différentes expériences vécues dope le cerveau qui en réponse génère davantage de neurones.

Cette neurogénèse (fabrication de nouveaux neurones) a été démontré chez les souris par des chercheurs allemands en 1998.
En bref, plus les souris sont des aventurières-exploratrices de leur environnement, plus leurs neurones se développent, en particulier dans l’hippocampe, zone centrale du cerveau où siège la mémoire et les capacités d’apprentissage. 

C’est un peu plus tard que cette même équipe fait le parallèle entre la neurogénèse chez la souris et chez l’humain. 
Pour eux, cela laisse penser aussi qu’un environnement riche et stimulant stimule le développement de l’individu et de son caractère unique, à savoir, sa personnalité. (Mais nous reviendrons sur ce point un peu plus loin). 

La nature et le repos augmentent nos performances, tout comme le fait de travailler à l’étranger 

Prendre ses congés annuels ?
C’est à Oxford qu’une étude révèle que les travailleurs qui choisissent de partir en vacances (plutôt que de rester au boulot), augmentent leur chance de 6,5% d’être promus à leur emploi. 
Alors maintenant que tu sais que prendre des vacances rend plus productif, plus besoin de risquer la culpabilité à ce temps de pause ! 

Et puis à tout bien y penser, si voyager rend plus audacieux, plus créatif et plus ouvert, il apparait évident que dans cette même lignée, cela rende plus performant.

D’ailleurs les artistes qui ne travaillent pas dans leur pays d’origine produisent des oeuvres mieux côtés, et les scientifiques réalisent des études davantage citées. 

De plus, nous évoquions déjà plus haut l’importance du rôle de la nature dans la créativité, le bien être et la résolution de problème, elle n’est pas étrangère non plus à l’augmentation des performances.
Une étude publiée dans Environmental Psychology propose aux participants de simplement regarder une photo de nature durant 40 secondes. 
Et sans surprise, après cela, ils apparaissent beaucoup plus concentrés sur leur tâche et la réalisent mieux. 

Voyager forge notre identité grâce à la mémoire autobiographique (ou épisodique) 

« Nous sommes davantage définis par nos expériences que par nos bien matériels. Il est possible de vraiment aimer ses objets, même de penser que notre identité est liées à eux, mais ils restent néanmoins séparés de nous. Par contre, nos expériences font réellement partie de nous. Nous sommes la somme totale de nos expériences. »
Thomas Gilovich

Endel Tulving a décrit la mémoire épisodique il y a plus de 40 ans.

Aussi appelée mémoire autobiographique, elle permet essentiellement de stocker les expériences personnelles (où, quoi, quand) et des voyages mentaux dans le temps pour y accéder. 
Selon lui, elle se nourrit des voyages et expériences nouvelles que nous faisons pour enrichir notre sentiment d’exister. 

La raison de notre préférence pour l’expérientiel est bien là : nous le ressentons comme déterminant pour notre propre identité car nous sommes la somme de nos expériences. 

L’expérience du voyage modifie la personnalité 

En psychologie il existe un test qui se nomme le Big Five (crée en 1991 par John, Donahue et Kentle) qui vise à évaluer plusieurs dimension de la personnalité dont l’Ouverture. 
Celle-ci tend à se modifier et à s’intensifier avec l’expérience du voyage, c’est ce qu’affirme une étude publiée dans le Journal ou Personnalité and Social Psychology.
Elle démontre que voyager ouvre davantage aux nouvelles expériences et diminue nos réticences à expérimenter certaines choses que l’on de ferait pas habituellement. 
L’étude met aussi en lien cette ouverture à l’envie de rencontrer de nouvelles personnes, suggérant que le voyage nous incite sans cesse à rechercher de nouvelles connaissances. 

William Maddux va dans ce sens en démontrant que les personnes qui voyagent au long cours dans différents pays ont tendance à faire davantage confiance aux autres. 
Et selon lui, il y a même corrélation entre le nombre de pays visités et la confiance globale envers autrui.
Quand à Francesco Billari et Carl Noah, ils révèlent en 2014 que les personnes qui font plus confiance aux autres sont en moyenne plus heureuses et en meilleure santé.

Tu le vois le cercle vertueux là ?!

Visiter différents pays augmente notre flexibilité morale 

La flexibilité psychologique que nous avons vu un peu plus haut, induite par le fait de voyager, possède également un côté « obscur ». 

Il s’agit de la flexibilité morale, c’est à dire de l’augmentation de la propension à l’immoralité, et plus précisément au mensonge et à la tricherie. 

Et oui, une étude 2016 démontre que plus un individu a connu de pays différents, indépendamment du temps qu’il y passe, plus il a tendance à faire preuve de relativisme moral. 

Concrètement, il tolère davantage les « transgressions » d’autrui ainsi que les siennes. 

Plus on visite de pays différents, plus on devient « détendu de la norme ». 

Du coup je ne vais peut être pas te parler tout de suite de toutes les destinations que j’ai visitées… 🙂

voyage autour du monde

 

En guise de conclusion

Du coup… maintenant je crois que tu n’as plus aucune excuse pour remettre à plus tard la planification de ta prochaine super expérience… resto, spectacle, escapade dans la nature… 

J’espère que tu nous raconteras ?! 🙂

Et si c’est un voyage, malgré ce contexte « co-vidé », reste plus qu’à choisir une destination qui te convienne pour t’éviter quelques désagréments, car il arrive aussi que le voyage exacerbe des troubles psychiques… mais ça, ça sera pour un prochain article ! 🙂

BIBLIOGRAPHIE : 

« Power Patate », Florence Servan-Schreiber, édition Marabout. 

« Anticipatory consumption of experience and material purchases », A Kumar et al, Psychological Science, vol 25, p1924, 2014.

« Stigmatizing materialism : on stereotypes and impressions of materialistic and experiential pursuits », L Van Boven et al, Personality ans Social Psychology Bulletin, vol 36, p551, 2010.

« Pourquoi les vacances forgent notre identité », Marc Hassenzahi, cerveau et psycho n°70, p57, 2015.

« Cultural borders and mental barriers : the relationship between living abroad and creativity », W. Maddux & A. Galinski, Journal of personality and social psychology (2009).

« The dark side go going abroad : how broad foreign experiences increase immoral behavior », J. Lu et al., Journal of personality and social psychology, 2016.

« Multicultural experience enhances creativity : the when and how », AK Leug, W. Maddux, A. Galinsky & C. Chiu, American Psychologist 63 (3), 169-181, 2008. 

« View through a window may influence removery from surgery », R. Ulrich, Science, 1984. 

« Generalized Trust and Intelligence in the United States », N. Carl & F. Billari, Plos One, 2014. 

« Why new neurons ? Possible functions for adult hippocampal neurogenesis », G Kempermann, Journal of Neuroscience, 2002.

« Experience-induced neurogenicis in the senescent dentale gyrus », G. Kempermann, HG. Kuhn, FH Gage, Journal of Neuroscience, 1998. 

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