Dans cet article j’ai envie de te faire découvrir une de mes pratiques thérapeutiques : la psychothérapie EMDR.
Ici je vais te partager son principe, ses applications et ses modalités en pratique de manière simplifiée.
Cette vulgarisation t’es livrée à peu près comme je l’explique à mes patients lorsqu’il me semble pertinent de leur proposer cette approche.
Belle lecture !
« L’expérience humaine est conditionnée par des événements douloureux du passé qui sont devenus des souvenirs figés et dysfonctionnels. Chaque être humain possède un mécanisme naturel de transformation de ces souvenirs traumatiques qui tend toujours vers l’adaptation. »
David Servan-Schreiber
Origine de la psychothérapie EMDR
A l’origine, une femme : Francine Shapiro.
L’EMDR est une psychothérapie qui a vu le jour totalement « par hasard » grâce à elle.
C’est en 1987 que l’américaine Francine Shapiro fait un constat pour le moins surprenant et intéressant : bouger ses yeux rapidement de gauche à droite en pensant à un événement difficile, apaise quasi instantanément la charge émotionnelle de cet événement.
Au fil des années, elle approfondit cette découverte, développe et affine un protocole de soin détaillé, réalise des études, et publie des articles.
D’ailleurs, la première population choisie pour ses études et qui démontre les preuves de l’efficacité de cette approche thérapeutique concerne les militaires de retour de mission souffrant d’état de stress post traumatique (ESPT).
Ces nombreuses études ont permis à l’EMDR d’être reconnue par la Haute Autorité de Santé (depuis 2007) et l’Organisation Mondiale de la Santé (depuis 2013) comme étant une psychothérapie de 1ère intention pour soigner les traumatismes et les états de stress post-traumatique.
L’arrivée de cette psychothérapie en France, nous la devons essentiellement à David Servan-Schreiber (médecin, chercheur, écrivain) qui en parle notamment dans son célèbre livre « Anticancer ».
Lui-même formé par Francine Shapiro, il a été le premier enseignant en France à diffuser et transmettre ce précieux savoir.
La définition de l’EMDR
E.M.D.R. signifie « Eyes Mouvement Desensibilization & Reprocessing », traduit en français par « désensibilisation et retraitement (d’une information traumatique) par les mouvements oculaires ».
Dans sa définition l’EMDR évoque les mouvements oculaires, mais en pratique, il est possible d’utiliser d’autres manières de faire des stimulations bilatérales alternées (SBA) : étape importante de la psychothérapie EMDR.
Ces SBA sont la plupart du temps visuelles (les mouvements oculaires) où le thérapeute va demander de suivre le mouvement rapide de ses doigts (de droite à gauche devant les yeux du patient), d’une lumière ou d’un objet qu’il tient dans ses mains (un stylo ou une boule de couleur selon la créativité de chacun).
Il est également possible que ces SBA soient auditives (à l’aide d’un casque par exemple avec un son alterné dans chaque oreille : tantôt à gauche, tantôt à droite), ou tactile (à l’aide de buzzers que tient le patient dans chacune de ses mains et qui vibrent alternativement, ou alors grâce au thérapaute qui tapote les genoux du patient).
Les préalables avant de réaliser une psychothérapie EMDR :
Valables pour cette approche thérapeutique, mais pas seulement…
Ce que je dis très souvent à mes patients, est qu’il est primordial qu’ils se sentent bien avec le thérapeute ET avec l’approche thérapeutique (la ou les méthodes proposée(s)).
Pour cela, des entretiens préliminaires, en amont, sont indispensables pour créer une relation thérapeutique solide (alliance thérapeutique).
Ne restez pas avec un thérapeute avec qui un lien de confiance a du mal à s’établir (sauf éventuellement si c’est en lien avec votre problématique, dans ce cas, parlez-en avec lui).
Indispensable également, de s’assurer ensemble de la bonne indication à réaliser l’EMDR en identifiant la problématique actuelle et les évènements associés qui la créent, la maintiennent et la renforcent.
Compte tenu de la puissance de l’EMDR et de l’apparition possible d’émotions intenses dans l’instant (abréaction), il est important également de familiariser et encourager le patient à la pratique d’outils psycho-corporels de régulation émotionnelle.
Personnellement je propose souvent un exercice de visualisation du lieu « secure », des pratiques de relaxation, de mouvements corporels intuitifs, d’écriture, et parfois de méditation de pleine conscience.
On m’a parfois demandé comment moi j’accueillais les émotions de mes patients, leur larmes, leur colère. Je suis là, tout simplement là, pleinement présente et attentive, en soutien et en action pour les accompagner, eux et le bon déroulement du processus thérapeutique.
Parce que je SAIS qu’il y a du mieux, une libération par la suite.
Quelques notions importantes à connaître sur le traumatisme
Chaque jour nous vivons des événements de vie, qui sont de manière neurophysiologique, normalement « digérés » par notre cerveau pendant la nuit, en particulier pendant notre sommeil paradoxal, ce moment où dans notre sommeil nos yeux bougent très vite.
Ça c’est le processus normal.
Notre cerveau range toutes les informations du jour dans notre hippocampe, siège de notre mémoire à long terme, pour éviter que l’on soit en permanence encombré par des informations.
Seulement parfois, notre cerveau n’arrive pas à faire son travail de « digestion » des informations du jour, et ce pour plusieurs raisons, principalement :
- Soit parce que c’est trop « chargé » en émotion,
- soit parce que c’est répétitif, et à un moment, la charge mentale et la charge émotionnelle « débordent »
- ou soit parce que la personne est sous substance : drogue, alcool, anesthésiant, benzodiazépine, … (certains psychotropes ou substances psycho-actives empêchent le cerveau de bien faire son travail de « digestion » des évènements du jour).
Dans ce cas là, au lieu de « ranger » le vécu de la journée dans la mémoire à long terme, notre cerveau transfère cet évènement dans un réseau (de la mémoire) « annexe » et va rendre ce souvenir hyper-accessible.
Cette « hyper-accessibilité » de la situation traumatique peut entraîner plusieurs symptômes caractéristiques tels que des reviviscences (flash-back), une altération de l’humeur avec des pensées pessimistes, une importante émotivité (sursaut, excès de colère, trouble du sommeil, …) et l’évitement de tout ce qui pourrait faire penser à l’événement difficile.
Et, ces symptômes du traumatisme peuvent, eux, entraîner ou exacerber d’autres pathologies telles que dépression, addiction, phobie, trouble du comportement alimentaire, …
Les situations causant un traumatisme peuvent être clairement identifiés dans l’instant (car massivement confrontant au réel de la mort), mais également être des événements de vie difficiles qui, sur le moment, n’ont pas été identifiés comme tel parce qu’ils semblent avoir été surmontés avec le temps (deuil, divorce, perte d’un emploi, …).
Seulement ils laissent aussi des empreintes émotionnelles qui peuvent avoir des répercussions, parfois très importantes, dans la vie quotidienne (comportements inadaptés ou perturbations psychologiques).
En bref, la personne n’arrive plus à fonctionner de manière adaptative sur le plan émotionnel, cognitif et/ou comportemental de manière permanente ou situationnelle.
Pour te donner une image : c’est comme marcher avec des cailloux dans la chaussure.
Ce n’est pas optimal, le risque est de se blesser, de ne pas aller aussi loin ou aussi vite que l’on voudrait, et le moindre petit gravier supplémentaire rencontré en chemin pourrait rompre l’équilibre déjà plus ou moins précaire.
Comment se déroule une psychothérapie EMDR ?
« L’EMDR est utilisé pour (1) aider le patient à tirer un apprentissage de ses expériences négatives du passé, (2) désensibiliser les déclencheurs présents qui sont une source inappropriée de souffrance et (3) incorporer des schémas pour une action future adaptée qui lui permette de se surpasser dans le cadre de son environnement. »
Francine Shapiro
La pratique de l’EMDR suit un protocole bien précis qui se déroule en plusieurs étapes. Le thérapeute formé le connaît parfaitement, il n’y a qu’à se laisser guider.
Une fois que vous avez identifié ensemble les souvenirs perturbants, le praticien vous demandera de vous concentrer sur le souvenir traumatique, tout en vous connectant aux aspects sensoriels les plus perturbants (image, son, odeur, sensation physique), aux pensées et ressentis corporels actuels négatifs qui y sont associés.
C’est un exercice qui peut sembler difficile et contre-intuitif, mais en réalité c’est cela qui permet d’amorcer le travail de désensibilisation du souvenir en question. Cette étape est importante dans le processus thérapeutique, permettant par la suite un mieux-être.
Puis il réalise des séries de stimulations bilatérales alternées rapides, et vous demandera entre chaque série, de verbaliser brièvement ce qui est présent pour vous sur le moment (une image, une sensation physique, une pensée, …).
Absolument rien de spécifique n’est attendu, il n’y a aucun effort à faire pour obtenir tel ou tel type de résultat, le trauma se retraite spontanément et différemment pour chaque personne selon son histoire, sa personnalité, ses ressources, sa culture et son rythme d’intégration.
C’est un processus conscient qui prend en compte le passé, le présent et le futur de la personne.
Le thérapeute poursuit jusqu’à ce que le souvenir ne provoque plus aucune perturbation émotionnelle et soit mis « à distance », comme « digéré », en ayant perdu de son intensité.
Ensuite, toujours avec des stimulations bilatérales alternées rapides, il aide le patient à associer à ce souvenir du positif constructif, adaptatif et pacifique.
La durée d’une séance est généralement entre 60 et 90 min, et celle de la psychothérapie elle-même est très variable d’une personne à une autre.
En guise de conclusion :
Les indications sont nombreuses et les résultats souvent impressionnants et libérateurs. Après quelques années de pratique, je suis encore souvent émerveillée par ce qui se passe en séance pour les patients !
D’ailleurs je continue de proposer régulièrement cette approche à mes patients avec quelques adaptations, parce que l’oncologie a des particularités et spécificités qui lui sont propres.
Je te parlerai de tout ça dans un prochain article ! 🙂
BIBLIOGRAPHIE :
« Manuel d’EMDR : principes, protocoles, procédures » de Francine Shapiro